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Bruxelles : l’envers du Barlok - Barré

Bruxelles : l’envers du Barlok

Lieu alternatif

Bruxelles : l’envers du Barlok

Le Barlok est un lieu alternatif bruxellois qui a ouvert ses portes en décembre 2014. Plongée dans les coulisses de ce projet culturel militant.

dimanche 1er mars 2015 (Nokowtow )

Lors de la soirée Bitchcraft au Barlok. / Photo Freaky cookie.

Un nouveau lieu vient d’ouvrir ses portes à Bruxelles. « Passe jeudi, on est là-bas pour faire des travaux », me propose Nico.
Je me pointe alors dans le quartier du port, le long du canal, dans une ancienne zone industrielle où les lofts flambant neufs côtoient des hangars désaffectés.
L’accès principal du lieu est condamné par des barrières. Je fais le tour. Quelques camionnettes sont garées là et j’aperçois la tête de Nico derrière l’unique fenêtre du bâtiment. 
Je rentre et m’assieds près du radiateur électrique qui réchauffe l’unique pièce à vivre de ce hangar de 1 200 mètres carrés : la cuisine.
On discute pendant quelques minutes, le temps de mastiquer une assiette de pâtes et de boire un café.
Dans l’équipe on retrouve Stéphane, membre fondateur de l’association Gniak Asbl et initiateur du projet Barlok. Il y a aussi le guitariste du groupe Zoft, Nico : « Je file un coup de main pour les travaux et je pense aussi organiser des soirées par la suite. Ma copine était dans la Compilothèque. C’était un super lieu juste en face, de l’autre côté du canal, qui a été détruit pour y faire des lofts. »
Pour créer ce lieu, une habituée du Magasin 4, Maina, a aussi mis la main à la pâte : « C’est mon pote Rami de Radio Panik qui m’a parlé de ce projet. Je suis venu à une réunion et j’ai tout de suite accroché. »
Je reconnais enfin Pierre, plus discret, le regard bienveillant : « Moi j’organise des soirées entre autres chez Buzz On Your Lips. Ici, j’aide pour les travaux et les concerts. »
« En fait on est tous des électrons libres venus de différentes associations et on s’est retrouvé dans ce projet », me glisse Maina entre deux bouchées.

Dehors ça gèle, mais l’ambiance est douce autour de la table. Les pâtes sauce bolo ont l’air bonnes. Le café est froid, mais il y a un micro-onde. Ce n’est pas la grande bouffe mais tout le monde est serein et mange avec appétit. Stéphane avale son café, attrape une banane sur la table et me jette amicalement : « Tu veux faire le tour ? »

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L’entrée principale. / Photo de Niels Coppens.

« Le bâtiment est vieux et branlant »

« Ici on est dans une sorte d’annexe construite dans le grand bâtiment. On n’a rien eu le temps de faire pour le moment à part la cuisine. On aimerait bien l’utiliser plus tard pour des résidences, des performances, pour loger les artistes ou autre. Pour l’instant, si des artistes viennent de loin, ils dorment chez nous. Enfin, le but final c’est de monter tout un centre culturel alternatif. Ça va venir avec l’été parce que pour l’instant il fait super froid et c’est un peu galère », commente Maina.

On débarque dans une salle gigantesque. C’est très lumineux, complètement vide et il fait un froid de chien. Nico me fait un rapide topo : « Il y avait pas mal de bordel ici puisque le hangar était destiné à stocker du matériel pendant un temps. Il n’y avait pas d’électricité, pas d’eau, pas de toilettes, pas de bar, pas de scène… rien pour faire une salle de spectacle. On a donc commencé par la cuisine, puis on a rangé le hangar qu’on n’utilise pas trop pour le moment et attaqué la petite salle de concert. »

On traverse la salle pour passer une porte et déboucher dans une plus petite pièce : « Là c’était complètement vide. On a dû tirer l’électricité, fabriquer une petite scène, un bar, une réserve et faire un peu de décoration. »
L’ensemble est assez propre. Le bâtiment est vieux et branlant mais on sent une présence bienveillante. Quelques trous rebouchés ici, un mur tout neuf là, quelques coups de peinture fraîche. L’endroit semble prendre vie petit à petit.

« Une sorte de centre culturel éphémère. »

On s’assied autour d’un empilement de palettes qui fait office de table et Stéphane commence à m’expliquer le projet : « J’avais envie de monter une association depuis un bout de temps. Et à force d’en parler, avec des potes on a fini par monter Gniak ASBL. On cherchait un lieu depuis deux ans et un jour, Tim du 123 m’a invité à une réunion avec plusieurs associations qui voulaient elles aussi trouver un lieu à occuper pour ouvrir une sorte de centre culturel éphémère.
On a commencé à travailler ensemble. On a ouvert un bâtiment à Saint-Josse à Bruxelles, d’où on s’est fait virer le lendemain. On a aussi investi un grand terrain au sud de Bruxelles, près du canal. Après une soirée un peu trop agitée on s’est encore fait virer. On a fini par faire une grosse fête à la rentrée, dans un énorme hangar à côté de la Parfumerie, un autre squat près du canal. On a construit une bulle de huit mètres de haut avec des bâches en plastique. On a fait des projections et des concerts à l’intérieur. »
Peu après, Toestand, une association qui réhabilite des bâtiments bruxellois abandonnés, propose de leur prêter ce hangar : “Ils trouvent des lieux abandonnés qu’ils investissent et après ils essaient de discuter avec les propriétaires ou les institutions qui les gèrent pour trouver un accord et proposer ces espaces à des associations afin qu’elles puissent y proposer leurs activités. Tout ça de manière éphémère mais plus ou moins officielle. Ici ils ont récupéré le bâtiment à l’IBGE (Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement), une grosse institution qui s’occupe de la gestion de l’environnement, de l’espace et des bâtiments à Bruxelles. ”

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« On a construit une bulle de huit mètres de haut avec des bâches en plastique », confie Stéphane. / Photo DR.

L’IBGE a notamment pour projet de construire, d’ici 2018, un énorme parc tout le long du canal où se trouve justement le Barlok et le Magasin 4 (lieu alternatif incontournable de Bruxelles). En attendant, ils ont le droit d’occuper le bâtiment : « Ils sont quand même cools de prêter les bâtiments. Ils pourraient aussi bien les laisser à l’abandon. Bien sûr ça leur fait de la bonne pub vis-à-vis de l’opinion publique. Mais nous on peut faire nos activités dedans, donc on ne va pas se plaindre. On a le bâtiment pour une durée d’un à trois ans, sans aucune garantie. On ne paie rien : loyer, électricité, eau… »
Stéphane et toute l’équipe du Barlok doivent en échange développer la vie du quartier et proposer des activités culturelles : « On espère que le Barlok va devenir une sorte de lieu où les gens pourront se rencontrer, échanger du matériel, du savoir, ou juste se balader et parler entre eux. Les projets qu’on a pour le moment ce sont des résidences d’artistes Bruxellois, des vides grenier et des fêtes en tout genre. Si un groupe ou un artiste est en résidence, le deal c’est qu’il doit proposer des ateliers, des expositions ou des concerts pour les gens du quartier. Et tout ça à prix libre bien sûr. »

« L’accès à tous évidemment ! »

J’interroge Stéphane sur la philosophie du prix libre : « C’est l’accès à tous évidemment. Si tu n’as pas d’argent, tu peux donner ce que tu veux en échange. Tu peux par exemple payer ton entrée avec un panier de courgette, glisse-t-il en rigolant. On essaie de faire en sorte que tout le monde participe. L’idée c’est aussi de sensibiliser les gens à nos activités et de les responsabiliser par rapport au travail des artistes. Ça peut être un coup de main pour les travaux, du bois de chauffage ou un gros câlin si tu n’as vraiment rien. »
Maina poursuit en expliquant : « C’est de l’entraide. C’est le geste qui compte. Prix libre ne veut pas dire gratuit. On a encore plein de travaux à faire. Il faut nourrir les artistes, leur donner de quoi acheter de l’essence pour la route... Si les gens veulent que le lieu continue à vivre, ils doivent aussi participer. Tous ne jouent pas toujours le jeu mais c’est aussi à nous de faire passer le message. »
Pour faire face aux dérives du prix libre, le Barlok propose parfois un « prix libre conseillé » : « C’est le prix qu’il faut que tout le monde paie pour qu’on puisse défrayer correctement les artistes. »
Je lui demande si ce n’est pas parfois délicat de ne pas toujours pouvoir payer les groupes correctement : « Si bien sûr. Mais ils savent à quoi s’attendre quand ils viennent jouer ici. Des fois ça peut même être mieux payé que dans certains endroits classiques. »

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Lors de la soirée Bitchcraft au Barlok. / Photo de Freaky cookie.

Je regarde la petite scène, au fond de la pièce. Pour le moment ce n’est encore qu’un ensemble de bouts de bois fixés les uns avec les autres. Elle paraît solide mais un peu petite pour un groupe entier.
Pierre m’informe sur la programmation : « Ce sont souvent des organisations extérieures qui viennent faire des évènements chez nous. Dans ce cas ils gèrent les entrées, paient les artistes et nous on fait à manger pour toute l’équipe et on s’occupe du bar. »
Au Barlok, il y a du noise, du punk, des soirées expérimentales et des projections de documentaires : « Et on espère évidemment développer l’aspect social avec des ateliers, des performances et ce genre de choses. »

« Un terrain de jeu énorme. »

On marche jusqu’à l’entrée principale qui donne sur l’avant du bâtiment...
[Découvrez l’intégralité de cet article dans le premier numéro de Barré]


Plus d’info sur l’auteur : www.nokowtow.com

Photo bandeau : Lors de la soirée Bitchcraft au Barlok. / Photo Patrice de Bruxelles.

Nokowtow
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L’ensemble est assez propre. Le bâtiment est vieux et branlant mais on sent une présence bienveillante. Quelques trous rebouchés ici, un mur tout neuf là, quelques coups de peinture fraîche. L’endroit semble prendre vie petit à petit.
  • Pierre en train de monter un mur du Barlok. / Photo DR.

    Pierre en train de monter un mur du Barlok. / Photo DR.

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